JP LEBRUN était intervenu à notre AG de novembre 2012 pour nous parler des semences paysannes et des risques de la privatisation du vivant.

JP et MM LEBRUN adressent aux députés de notre région pour demander  une exemption agricole dans le projet de loi tendant à renforcer la lutte contre les contrefaçons.

Monsieur le Député,

 Le 4 février prochain, vous serez appelé à vous prononcer sur une proposition de loi adoptée par le sénat en procédure accélérée le 20 novembre 2013 concernant le renforcement de la lutte contre les contrefaçons.

 Autant il est indispensable et compréhensible de faire évoluer l’arsenal juridique, policier et judiciaire face au développement des contrefaçons parasitant les échanges économiques de produits manufacturés au sein de nos sociétés de plus en plus mondialisées, autant son application dans le cadre agricole et alimentaire inquiète non seulement les agriculteurs mais aussi l’ensemble des consommateurs.
 L’engagement du gouvernement de présenter un amendement afin que les semences de ferme ne soient plus concernées par la loi contre les Contrefaçons est un élément très encourageant. Pour autant, les semences de fermes concernées par le Certificat d’Obtention Végétale (COV), ne représentent qu’une partie des questions soulevées. En effet le droit des brevets qui est évidemment inclus dans cette loi Contrefaçon s’applique aussi -de facto- aux brevets sur le vivant, avec des risques pour des paysans de se voir condamnés pour avoir des plantes contaminées par des gènes brevetés ou pire encore pour avoir dans leurs champs des plantes ayant des caractères brevetés ou possédant des gènes « natifs » brevetés (gènes existant à l’état naturel). 
 On assiste en effet aujourd’hui à une très inquiétante prolifération de brevets sur le vivant qui se manifeste en particulier par les dérives de l’Office Européen des Brevets, celui-ci tentant de détourner la réglementation européenne en délivrant des brevets sur des procédés essentiellement biologiques.
 Ainsi, des principes actifs d’origine naturelle utilisés depuis des générations de paysans et de jardiniers dans la protection des cultures et des animaux  contre différents types d’attaque parasitaire (champignons, insectes, bactéries, virus,…) doivent pouvoir continuer à être utilisés librement par les pratriciens sans que ces derniers soient considérés comme contrefacteurs d’un industriel qui aurait déposé un brevet sur un tel principe actif naturel.
Une attention particulière doit également être accordée aux brevets sur les micro-organismes qui rentrent dans la fabrication des pains, fromages, vins… . Parce que des industriels déposent des brevets sur des souches bactériennes, des paysans pourraient être accusés de contrefaçon pour avoir utilisé sur leurs fermes de telles souches qu’ils nourrissent et entretiennent eux-mêmes. Cela ressemble singulièrement aux brevets sur les gènes « natifs » des plantes. Et cela pourrait conduire à terme à la disparition de ces marchés de proximité réalisés par ces paysans et tant prisés par les consommateurs.
Il faut se rappeler aussi que la biodiversité agricole est née de – et repose encore sur – la multiplicité de petits producteurs oeuvrant dans des agro-écosystèmes très diversifiés et avec des pratiques culturelles et culturales elles-mêmes très diversifiées. Les industriels développant au contraire des stratégies basées sur les économies d’échelle et la standardisation se trouvent dans l’incapacité fondamentale de produire ou de renouveler cette biodiversité agricole, même s’ils possèdent dans leurs propres collections une grande biodiversité (héritée de près ou de loin des productions et sélections paysannes). Que des industriels puissent alors, avec les moyens financiers et juridiques dont ils disposent, utiliser leurs Droits de Propriété Industrielle (DPI) pour fragiliser voire détruire ce tissu vital de petits producteurs, est totalement inacceptable.Pour freiner de tels processus mortifères où des paysans peuvent être menacés par les gros détenteurs de Droits de Propriété Industrielle, il est impératif que l’exemption agricole soit inscrite dans la loi contrefaçon.

Vous trouverez en attaché les derniers documents actualisés du collectif semons la biodiversité concernant cette loi. : la lettre ouverte aux Députés Français et l’argumentaire juridique. Ces documents (ainsi que d’autres) sont également accessibles sur le site : http://www.semonslabiodiversite.com/

Restant à votre disposition pour toute information complémentaire, je vous prie, Monsieur le Député, de recevoir mes sincères salutations.

Jean-Pierre LEBRUN 
administrateur du Réseau Semences Paysannes

membre des commissions Semences, OGM, Biodiversité de la Confédération Paysanne
2 Place du Jeu de Paume
49730 Varennes sur Loire
Tél 0033(0)241517444